mardi 26 mars 2013

Born 2 be alive

C'est ce matin, en grande pompe et après un buzz désormais très « traditionnel » (dont le nom de code fut #born2code) que Xavier Niel a annoncé son nouveau projet qui va « révolutionner » la société : une école d'informatique, gratuite, ouverte à tous les jeunes de 18 à 30 ans, en 3 à 5 ans, censée apporter de la fraîcheur, de l'innovation et des poneys arc-en-ciel dans un enseignement supérieur français sclérosé et maléfique qui ne laisse pas éclore les vrais talents. Derrière lui dans cette aventure Nicolas Sadiraz, fondateur et ancien directeur d'Epitech (une école « révolutionnaire » et « innovante » à quelques milliers d'euros par an, elle) ainsi que quelques uns de leurs anciens partenaires, qui ont participé à une conférence de presse aux allures de grand-messe messianique.

Derrière la couche de communication typique du personnage Niel (à grands coups de teasings, de messages plus si cachés que ça à force et moult références cette fois à Douglas Adams), le principe de son établissement semble être simple : l'accès est ouvert à tout candidat sans condition de diplôme (il faut juste avoir entre 18 et 30 ans), la scolarité (ouverte pour 3 ans dans l'immédiat, vraisemblablement sur 5 ans au final) est entièrement gratuite, tous les frais étant réglés par une association à but non lucratif financée pour le moment par Xavier Niel lui-même. Pas de diplôme ni de certification délivrée à la fin (enfin probablement un « diplôme » maison qui n'aura juste pas d'équivalence dans le système officiel), des locaux et un équipement pimpants et une méthode pédagogique bien connue : de la pédagogie par projets à toutes les sauces et en toutes circonstances.

Sur le papier cela vend bien, et il y a effectivement une initiative intéressante, celle de créer un établissement performant et gratuit. Cependant tout cela a été tout de suite vendu avec un discours particulièrement fort : l'enseignement supérieur français est mauvais au possible, voici enfin une école qui va bien faire les choses.
Et cette doctrine a été déclinée sur tous les tons : bouh la vilaine éducation nationale qui rejette des jeunes sans même le bac alors que ce sont certainement des génies méconnus, bouh les vilaines écoles qui ne font rien qu'à donner des cours aux étudiants qui aimeraient s'épanouir par eux-mêmes, bouh aux universités qui font des cours en amphi quand les supports de cours magistraux du MIT sont disponibles en ligne, bouh aux diplômes qui sont une sclérose du système français, bouh à ces programmes scolaires qui sont mal faits et n'enseignent pas les vrais choses utiles en entreprise. Bouh à tout le monde sauf nous qui sommes les seuls à bien faire les choses.
Du coup, pour faire passer le tout et faire rêver les cohortes de futurs étudiants, nos joyeux nouveaux messies de l'enseignement en informatique sortent la brosse à reluire de compétition. En expliquant à tous ceux qui ont du mal dans le parcours scolaire standard qu'ils sont de vrais génies non-reconnus et foulés au pied par une éducation nationale qui ne veut produire que de l'élève formaté, obéissant et incapables d'innover (on avait pas vu mieux depuis Percy Jackson, vous savez, cet adolescent hyperactif et dyslexique dont on découvre qu'en fait il est un demi-dieu plein d'énergie et dont le cerveau est « câblé » pour lire naturellement le grec ancien, mais si, rappelez-vous). Et pour assaisonner le tout, on nous présente les (futurs) locaux de l'établissement (visiblement pas encore construit, ce ne sont que des images de projets) avec bâtiments étincelants, intérieurs designs, ordinateurs rutilants (oui, pour une formation d'informatique étiquetée « pédagogie P2P », ils ont choisi de travailler sur Mac, les machines les plus cloisonnées du marché) et projet pédagogique ambitieux (oui, de la pédagogie en peer-to-peer, c'est à dire en gros de la pédagogie par projets et entre étudiants, parce que les profs de toute façon, ça ne sert pas à grand chose et ça râle trop, c'est bien connu).

Au final, qu'en penser ?

Personnellement je suis extrêmement partagé sur le projet. Si créer par pure philanthropie (ahem ahem) une école pour former des jeunes est tout à fait louable, reste à voir ce qu'il va en ressortir. Le modèle pédagogique mis en avant (qui n'a rien de nouveau, quoi qu'en disent ses promoteurs c'est de la pédagogie « nouvelle » et « active », comme il en existe dans certains établissements depuis très longtemps) donne de très bons résultats avec les étudiants déjà motivés et ayant le goût d'apprendre, mais ne convient pas à une grande partie de la population arrivant dans le supérieur, qui cherche souvent des repères que seuls les enseignants peuvent apporter, et qui a parfois aussi besoin d'être poussée pour avancer plutôt que de passer ses nuits à jouer avec sa guilde.
Sur le programme, déjà disponible en ligne (et qui ressemble plus à une plaquette publicitaire qu'à un vrai programme pédagogique, quand on observe le vocabulaire et les tournures employées), on peut se faire une idée du contenu des 3 premières années. La moindre des choses est de constater que les concepteurs de ce programme ont parfois une vision de l'informatique assez singulière (j'apprends que la programmation réseaux et l'assembleur x86 sont de « l'environnement UNIX ») et une hiérarchisation des notions assez différente de ce à quoi on peut être habitué (par exemple pourquoi attendre la troisième année pour faire du SQL tout en se précipitant sur l'IA dès la première année ?). Sinon il ressort qu'en effet ce programme est plutôt ambitieux (même si on ne sait pas trop pour l'instant si les étudiants verront tout le programme ou si c'est un menu à choix) mais qu'il est aussi très ancré dans les technologies et les outils, ce qui risque d'en faire une formation intéressante sur le court terme mais très rapidement périssable.
Car oui, il est clair que les employeurs sont souvent très demandeurs de jeunes sachant manier les « outils » les plus récents du marché, ce qui peut tout à fait rejoindre l'objectif de Xavier Niel : mettre sur le marché de l'emploi les jeunes dont les employeurs ont immédiatement besoin, dans un secteur où certaines sociétés pratiquent un turn-over effréné. Mais bizarrement les vieux ronchons d'enseignants que nous sommes avons pour principe de surtout inculquer à nos étudiants les méthodes et les processus qui leur permettront de continuer à être utiles tout au long de leur vie, et de n'employer les outils que comme éléments de mise en pratique, parce qu'une carrière dure plus de 40 ans et que les outils doivent rester ce qu'ils sont, des instruments utiles mais que l'on finira par remplacer.

A coté de cela, l'idée d'offrir une vraie chance à des rejetés de l'enseignement classique est une piste intéressante, mais qui là fleure bon l'argument commercial plus que la vraie stratégie de développement. C'est un fait, il y a des jeunes qui ne réussissent pas à s'épanouir dans le système d'enseignement français standard (qui est beaucoup plus multiple et polymorphe que ce que certains veulent bien nous faire croire) et qui pourraient être des personnes très brillantes si elles avaient une vraie chance. Ce phénomène est potentiellement plus marqué en informatique que dans d'autres disciplines, puisque cet enseignement ne démarre encore maintenant que trop tard dans les parcours scolaires (l'éducation nationale s'y met progressivement, mais tant qu'il n'y aura pas de vrais enseignants d'informatique générale dans les collèges et lycées il restera beaucoup à faire) et que les jeunes pouvant y prendre goût n'ont donc pas l'occasion de briller et être remarqués avant qu'il ne soit trop tard et qu'ils décrochent du système. Mais ces profils restent rares. Beaucoup de jeunes vraiment doués et innovants tirent quand même sacrément bien leur épingle du jeu et réussissent leurs études avec brio, j'en connais, je travaille même avec quelques uns de ces « génies » et j'ai probablement eu la chance d'en avoir quelques uns comme étudiants, et ils n'ont pas l'air si traumatisés que ça.
Le hic c'est donc que des génies méconnus de l'informatique, il y en a probablement, et que certains trouveront peut-être dans cette école une opportunité à saisir. Mais je doute qu'il y en ait 1000 par an de ces « non-bacheliers qui en fait ont un vrai potentiel » et je pense que l'école va probablement rempli ses rangs d'étudiants aux profils beaucoup plus standards. Ces étudiants standards vont donc se développer dans un contexte de pure « pédagogie par projets » pour développer leur potentiel en travaillant essentiellement comme des autodidactes réunis. Ils ne vont finalement rien faire de plus ou moins extraordinaire que dans une formation tout à fait classique, à ceci prêt qu'ils vont certainement passer à coté de la vraie plus-value universitaire : celle de pouvoir étudier des sujets de pointe, et pas seulement des technologies déjà « maîtrisées ». Et comme je le disais déjà ici, pour moi ce qui fait la valeur d'un établissement ce n'est pas de recruter des gens brillants et s'assurer qu'ils le restent, c'est d'apporter de la valeur à la totalité des étudiants, en les poussant plus loin que leur « potentiel brut ».

En définitive je reste pour l'instant dubitatif sur les résultats réels de cette école (qui va attirer, c'est certain) et je pense qu'il faudra juger sur pièce. A terme l'absence de diplôme « réel » et donc valorisable comme tel en sortie d'école risque d'être un handicap sérieux pour des jeunes dans un environnement où l'ingénieur est roi. Il faudra certainement de nombreuses années pour évaluer avec pertinence cet établissement (ne serait-ce que le temps que les premières générations d'étudiants en sortent et s'intègrent dans la vie active) et surtout son impact sur le paysage de la formation informatique en France (ok, surtout autour de la capitale) par sa capacité de captation (parce qu'en prenant 1000 nouveaux étudiants par an, cette école risque d'assécher quelques établissements concurrents et de créer de sérieux appels d'air). Dans un premier temps, nous pourrons observer quelle part de ces fameux « non-bacheliers » nous retrouverons parmi l'ensemble des inscrits de la rentrée 2013, cela sera un premier indicateur quand à la « cible » réelle de l'établissement par rapport à son affichage.
Sur la démarche, autant je trouve très appréciable l'idée de proposer quelque chose de nouveau dans le paysage de la formation en France (parce qu'il n'y a jamais UNE façon de faire les choses, les méthodes et structures doivent être multiples et variées pour que chaque étudiant trouve ce qui correspond à son profil), autant je ne peux que trouver détestable l'idée d'arriver en crachant sur ce qui existe déjà, comme si nous n'étions que des incapables obtus et n'ayant rien apporté de nouveau.

Et de notre coté, nous continuerons à faire ce que nous savons faire de mieux : produire de la connaissance et la diffuser, et tant pis si nous ne sommes pas le MIT et que notre méthode ne plaît pas à M. Niel et ses amis. Parce que l'air de rien, notre travail, nous savons le faire, et que nous sommes bien moins « sclérosés » qu'ils ne veulent bien l'admettre.

Il faudra peut-être que je fasse un billet sur qui court après qui entre universités et entreprises, parce que les tours d'ivoires ne sont pas toujours là où on croit.

Technologic

Parmi les grandes discussions entourant le projet de loi visant à réformer l'enseignement supérieur (oui, encore un, ça faisait longtemps) que notre ministre a présenté officiellement le 20 mars dernier, une de celles qui me touche le plus dans l'immédiat est vraisemblablement celle se tenant autour de la nouvelle obligation des STS (Sections de Technicien Supérieur) d'accueillir en priorité des étudiants issus de Bacs Professionnels et celle des IUT (Instituts Universitaires de Technologie) d'accueillir en priorité des étudiants issus de Bacs Technologiques. Enseignant en IUT depuis environ 8 ans, je commence à avoir un aperçu de ce que donne chez nous l'accueil d'étudiants venant de filières technologiques. De ce que j'en vois, cette politique de quotas qui ne dit pas son nom a tout de la « fausse bonne idée » qui ne va vraisemblablement pas arranger les soucis de notre système d'enseignement supérieur. Au-delà du pseudo argument sur la mission des IUT (sur lesquels je centrerai mon propos) et des STS, il s'agit en effet à mon sens d'une loi qui relève surtout de l'affichage politique et qui va à l'encontre de l'intérêt des étudiants.

Pour commencer, un point sur la situation actuelle. D'après les chiffres que j'ai trouvés sur le site de l'éducation nationale (qui datent un peu), la proportion de bacheliers technologiques en IUT est au global de 33,2% par rapport à l'effectif global. Si cette valeur est vraisemblablement variable suivant les disciplines (l'informatique est réputée par exemple pour prendre peu de bacheliers technologiques en entrée), elle n'est pas réellement « faible ». Il faut donc interpréter ce que peut représenter cette notion de « priorité » avancée par le gouvernement dans le contexte actuel ? S'agit-il de monter à plus de 50% de bacheliers technologiques ? Ou de viser un objectif dans les faits « déjà atteint » qui ne changera pas grand chose au fonctionnement des établissements. Le manque de précision sur les objectifs précis est à ce titre assez gênant puisqu'il entretient autour du débat un flou nous empêchant d'anticiper les effets concrets de la réforme.

Un des grands arguments de cette réforme serait la « mission » des IUT, comme si ceux-ci avaient été conçus pour accueillir les étudiants issus de filières technologiques. Cet argument est en grande partie faux. Historiquement les IUT ont été conçus à la fin des années 60 pour accueillir des étudiants venant de baccalauréat général et cherchant une formation à visée professionnelle en deux ans. Leur ré-orientation vers l'accueil fort d'étudiants issus de filières technologiques n'est que relativement récente, et trouve surtout écho dans la volonté dont a témoigné V. Pécresse lors qu'elle était Ministre de l'enseignement supérieur de 2007 à 2011.
La vraie limite de cette mission de formation professionnelle n'est pas tant due aux IUT en eux-même qu'au contexte qui s'est développé autour. Autant dans les années 70 de nombreux étudiants envisageaient sereinement de se contenter d'un Bac+2 et d'avoir de bonnes perspectives d'emploi et de rémunération, autant à l'heure actuelle tout est fait pour inciter les étudiants à poursuivre leurs études le plus longtemps possible (ou en tout cas à viser un Bac+5, ingénieur ou équivalent) s'ils veulent tirer leur épingle du jeu. Avec en plus une offre de formation supérieure qui s'est étoffée ces dernières années (l'apparition des licences professionnelles et l'augmentation du nombre d'écoles privées), tout incite les étudiants qui en ont les moyens (intellectuels et/ou financiers) à poursuivre le plus longtemps possible.
Or la formation dispensée en IUT est à la fois très complète (1800h en deux ans, plus un stage, alors qu'une formation « fac » propose 450 à 600h de formation par an) et très efficace (car ciblée, et soutenue par des enseignants, enseignants-chercheurs et professionnels qui s'impliquent fortement, parfois d'ailleurs au détriment de leur progression de carrière). Cela fait du DUT un diplôme très apprécié des licences et des écoles qui y reconnaissent des profils compétents, sachant travailler et souvent très motivés par leur champ professionnel. Les IUT ne peuvent donc pas faire grand chose pour enrayer ce phénomène qui leur échappe, à part saboter leur travail volontairement, ce qui serait peu intelligent, tout de même.

Au-delà de cet argument de la mission (qui peut être redéfinie avec le temps, oui, mais n'est pas un argument de « légitimité historique »), cette réforme a en fait une volonté très « politique » et qui fait suite à une série de choix stratégiques concernant l'enseignement français qui mettent le gouvernement actuel dans une situation difficile.
Lors de la création du baccalauréat professionnel en 1985, le ministre J.P. Chevènement a voulu faire de l'affichage : créer une filière professionnelle, censée déboucher sur une insertion directe dans la vie active, mais l'appeler baccalauréat pour pouvoir ensuite se vanter que 80% d'une classe d'age passe le bac (sans distinguer général, technologique et professionnel). Le fait est qu'en choisissant de faire de cette formation professionnelle un baccalauréat, le ministre a ouvert la voie de ces bacheliers à la poursuite d'études dans l'enseignement supérieur, même si ce n'était pas son intention première (le baccalauréat est par définition première un diplôme ouvrant l'accès aux études supérieures, c'est historiquement sa seule raison d'être). Suite à cela, les bacheliers professionnels ont connu la même dynamique que les étudiants d'IUT : un contexte économique incitant plus à la poursuite d'études qu'à l'insertion professionnelle. Sauf que dans leur cas, l'intégration dans les structures d'enseignement supérieur classiques se passe beaucoup moins bien. Du point de vue du supérieur, ces étudiants présentent généralement des faiblesses globales (sur leur capacité de compréhension, de travail, d'autonomie) par rapport à ceux provenant de filières générales ou technologiques qui font qu'ils ne peuvent pas poursuivre efficacement leurs études, sauf cursus spécialement adaptés (et parfois avec des objectifs moindres que ceux des cursus standards). Ils se retrouvent donc dans un monde universitaire auquel ils n'étaient pas vraiment destinés et qu'ils ne sont pour la plupart par armés pour suivre, et échouent.
Du coup, comme il faut permettre à ces bacheliers de poursuivre leurs études (parce que poursuivre ses études après un diplôme professionnel, quand on parle du bac, c'est normal, quand on parle du DUT, c'est un dévoiement du diplôme), il faut leur créer une place là où ils ont une chance de réussir, quitte à pousser les autres. Donc on impose des quotas de Bac Pro en STS, et histoire que les étudiants issus de Bac Techno (un des publics habituels des formations STS) ne soit pas en reste on les recase bon gré mal gré en IUT. Que l'on pousse pour ce faire des étudiants issus du bac général et qui réussissaient jusque là bien en DUT n'est visiblement pas un problème. Et bien entendu personne ne se pose la question de savoir si ces étudiants ainsi casés de force vont réussir leurs études, l'important c'est l'affichage, on pourra toujours reprocher aux enseignants de ne pas faire de miracles ensuite.

Parce que le point censé être la clé de cette réforme, à savoir de permettre la réussite des étudiants, est tout sauf garanti. Notre établissement accueille déjà depuis des années des étudiants issus de Bac Technologique (en Informatique, nous accueillons des étudiants issus de Bac STI ou STG – qui changent de nom cette année), et j'ai déjà eu l'occasion de constater à quel point cet accueil peut être un véritable tremplin pour certains de ces étudiants. Mais la contrepartie de cet accueil est souvent un taux de réussite relativement faible chez ces étudiants, qui s'ils n'ont pas une motivation très forte s'écroulent très souvent en fin de premier semestre. Sur les 16 étudiants issus de Bac Techno que nous avons accueilli en DUT Informatique à la rentrée dernière (dans une promotion de 70 étudiants), la moitié ont déjà abandonné, et les autres ne sont pas sûrs de valider leurs deux premiers semestres.
Le blog Gaïa Universitas, dans son argumentaire en faveur de cet élément de réforme, pointe que le taux de réussite est de 68% chez les étudiants venant de filière technologique en DUT (contre 13,5% en fac, ce qui est effectivement très faible). Mais ce taux est déjà plus faible que le taux de réussite global (de 74,3%) [source site MESR] alors que ces étudiants sont triés sur le volet (examen plus attentif des dossiers, entretiens avec les étudiants afin de mieux cerner leurs motivations et s'assurer qu'ils ne se fassent pas une fausse idée du métier, etc.) et que souvent sont mis en places des efforts particuliers pour aider ces étudiants à réussir (soutien, suivi) qui sont applicables à petite échelle, mais ne sont pas généralisables à l'échelle de toute une promotion (à moins qu'on nous apporte des budgets et des enseignants supplémentaires, mais vous comprenez, c'est la crise). Dans ces conditions, ouvrir les portes de l'établissement en très grand par un mécanisme de priorités risque fortement de faire arriver des étudiants qui ne sont clairement pas armés pour suivre ce genre de cursus, et à qui on aura fait miroiter une poursuite d'études ne pouvant mener qu'à un échec.
Bien entendu à ce moment on nous reprochera de trop attendre de ces étudiants que l'on nous a fait accepter de force et on nous demandera certainement de revoir les ambitions du diplôme à la baisse. Le hic c'est que le DUT n'est pas un diplôme dont le niveau est fixé pour faire joli sur des organigrammes, c'est un diplôme dont le niveau d'attente correspond aux besoins des métiers concernés, et que si c'est pour former des informaticiens incapables d'écrire un programme ou configurer un réseau, autant arrêter les frais tout de suite.

Finalement, si les IUT ne répondent pas actuellement à la « mission » que veut leur confier le gouvernement, il faut bien comprendre qu'ils répondent à un besoin réel. Celui d'étudiants venant de filières générales, pas spécialement privilégiés, qui sont pris à choisir entre des classes préparatoires qui ne leurs conviennent pas (parce qu'ils en ont marre des maths et de la physique, parce que le rythme est éprouvant et souvent destructeur, parce que la formation est « optimisée concours » et n'apporte souvent que peu de compétences employables directement) et des cursus en licence qui n'ont pas les moyens (financiers, matériels et humains) de mettre en place des formations aussi efficaces qu'il le faudrait (et je le sais très bien, je suis un ancien Bac S qui a choisi d'étudier en IUT, puis est passé par la fac et a finalement fait une thèse). Cette politique de priorités (pour ne pas dire quotas, parce que notre ministre nous a dit que le terme de quotas ne serait pas employé, vous comprenez, les mots c'est mal et ça pourrait vouloir dire des choses) passe du coup complètement à coté de ce besoin réel : les étudiants plutôt bons qui seront refusés en IUT « parce qu'il faut faire de la place aux bacs technos » vont se retrouver devant ce choix qu'ils refusent de faire (prépa ou fac) et il y a de fortes chances qu'une grande part d'entre eux finisse par atterrir dans le privé : dans des écoles qui préparent au BTS par exemple (qui étant établissements privés pourront ne tenir aucun compte des priorités ministérielles) ou dans des écoles avec prépa intégrée (certaines délivrant un diplôme d'ingénieur, d'autres un simple Master, et qui dans les deux cas coûteront cher en frais d'inscriptions). Il serait beaucoup plus efficace (et moindre en effets pervers) de travailler davantage sur l'offre universitaire standard, en donnant aux universités les moyens de mettre en place des diplômes de licence aussi attractifs et efficaces en terme de formation que le DUT (en comptant qu'en plus les IUT faisant déjà partie des universités, il y a déjà des bonnes volontés en interne pour aider à améliorer tout ça). Cela attirerait du coup de nouveau les bons étudiants sur les bancs de la fac et créerait mécaniquement de la place en IUT et STS. Mais cela demanderait des moyens, une volonté politique affirmée, et d'arrêter de faire de l'université la dernière roue du carrosse de l'enseignement supérieur français, sûrement trop demander à l'heure actuelle.

Et éventuellement il faudrait envisager d'arrêter de donner le bac à des étudiants qui ne sont pas capables de suivre une consigne simple, manier les opérations de base (tous les ans je commence par réapprendre à mes étudiants comment poser une division) et s'exprimer en français correct. Mais là je suis utopiste.

Et aussi se demander pourquoi dans le système français à chaque fois qu'un gouvernement crée un diplôme à visée professionnelle ce dernier devient en quelques années un tremplin fort pour la poursuite d'études. Il y a certainement une piste intéressante à creuser.

dimanche 17 mars 2013

Hidden Agenda

Voici juste une petite quenelle pour garder le blog un peu actif en attendant d'avoir le temps de refaire quelques billets de fond, avec un aperçu de mon agenda de la semaine :
  • Lundi : je suis en cours toute la journée ou presque, et je dois rencontrer des étudiants pour faire un point sur leur projet de fin d'année.
  • Mardi : je participe à un séminaire dans lequel je dois faire une présentation de certains travaux, devant un public qui ne devrait pas manquer de questions. Le séminaire n'étant pas sur Paris je vais faire l'aller-retour en train dans la journée.
  • Mercredi : je fais une présentation sur les Serious Game dans une conférence, là encore hors de Paris, là encore aller-retour sur la journée.
  • Jeudi : une journée calme, à savoir uniquement des cours et un peu d'administratif.
  • Vendredi : Visite de l'Agence d’Évaluation de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur à mon laboratoire en vue de notre évaluation quadriennale quinquennale. Autant dire que tout le labo va devoir être sur le pont.
Voila, ce n'est pas une semaine-type, clairement, mais juste un aperçu de comment quelques événements peuvent s'enchainer rapidement et tomber au même moment. 

(et bien entendu je passe mon dimanche après-midi à préparer tout ça, parce que les présentations ne vont pas s'improviser)