vendredi 16 novembre 2012

Stairway to heaven

On m'a fait remarquer récemment que les billets sur ce blog étaient un peu « râleurs » ou pessimistes. Il est vrai que sa charte graphique n'encourage pas à la gaieté et à la joie de vivre (mais non, je ne ferai pas un blog avec des poneys et de l'amitié, cela reste hors de question). Voici donc du coup en contrepoint un billet un peu plus positif, parce qu'enseigner, c'est quand même chouette.

Je vais donc aujourd'hui vous parler d'Alice. Oui, cette Alice là. Alice est une de mes anciennes étudiantes. Elle a passé 2 ans en DUT. Alice venait d'un baccalauréat technologique, avec des résultats certes pas mauvais mais pas spécialement brillants non plus, et une certaine allergie aux mathématiques, comme en ont beaucoup de jeunes quittant le lycée.

Clairement, avec son dossier en sortie de lycée, Alice n'aurait pas eu accès à une prépa, et même si elle y était allée cela probablement aurait été une tentative gâchée par le rythme et les exigences propres aux classes préparatoires (entre autres en mathématiques, dont on continue trop souvent à faire l'alpha et l’oméga de la sélection dans les formations scientifiques en France). Bref, sans être forcément sombre, son avenir était en partie limité par son orientation subie pendant sa jeunesse et par le fonctionnement de notre système d'enseignement, qui met très tôt les jeunes dans des tubes dont il devient ensuite difficile de sortir.

Mais Alice est venue faire un DUT Informatique, et il s'avère que l'informatique lui a plu, vraiment. Il est d'ailleurs probable que l'informatique lui ai déjà plu avant, mais c'est une passion dure à identifier et valoriser avant d'accéder aux études supérieures, tant cette discipline a encore du mal à trouver sa place dans le secondaire. Toujours est-il que ça a marché pour Alice, qu'elle a eu de bons résultats (même si les mathématiques ne sont pas devenus son fort pour autant), qu'elle a gagné ainsi le soutien des enseignants de l'équipe, qui ont appuyé son dossier de poursuite d'études.

Aujourd'hui Alice est élève ingénieure en informatique, et tient sa place sans difficultés au milieu d'étudiants venus du parcours Bac S + prépa classique. Bien sur elle n'est pas à X ou dans une des grandes grandes écoles les plus réputées. Mais elle sortira bientôt avec un titre d'ingénieur, et tout ce que cela implique dans le marché du travail français. Non seulement parce qu'elle est réellement compétente dans son domaine et a su s'investir dans ses études, mais aussi un peu à un moment parce que nous avons été là pour lui donner une chance, lui mettre le pied à l'étrier, et lui donner la possibilité de réaliser son vrai potentiel.

On mesure souvent la valeur d'un établissement en fonction de son taux de réussite et de la qualité de ses diplômés en sortie. Personnellement j'ai toujours trouvé cette méthode de palmarès peu pertinente. Après tout il est facile en recrutant de très bons étudiants au départ de s'assurer qu'ils soient encore très bons à l'arrivée. Pour moi la vraie plus-value d'un établissement d'enseignement se situe dans le différentiel entre le niveau d'entrée et le niveau de sortie de ses étudiants. Et sur ce différentiel, les IUT ont une carte importante à jouer. Nous ne recrutons pas dans nos promotions le haut du panier, cela fait des années que les bacheliers avec de bons et très bons dossiers partent en classes prépas. Mais ceux que nous formons, et à qui nous donnons une chance, peuvent en profiter pour prendre un véritable élan.

Bien sur il ne faut pas se leurrer, tout le monde ne réussit pas, et l'échec en première année est une de nos préoccupations constantes. Certains découvrent que la discipline ne leur convient pas, préfèrent une autre spécialité, ne s'investissent pas en termes de travail personnel, ou parfois simplement n'arrivent pas à suivre malgré leurs efforts. Nous faisons tout notre possible pour lutter contre cet échec, tout en sachant que la solution reine serait de ne jamais prendre de risque, de n'accepter que ceux dont on sait qu'ils réussiront.
Mais justement, prendre quelques risques, faire un pari sur la réussite d'étudiants au dossier pas toujours brillant au départ, c'est donner une chance à des personnes pour Alice, et c'est à mon sens exactement ce pourquoi nous sommes là.

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